À quoi tient une rencontre ? Un partage qui sonne juste, comme une évidence, qui a du poids, presque de la gravité. On sait déjà, on sent que ce qui se passe est précieux et qu’on en sortira pas indemne. Ça tombe bien. On aspire à en être transformé. C’est toute l’histoire du voyage, de la rencontre avec Jean et Ahmed, avec Cristina et Andreas. Avec Zofia, Janek, Jan et Jadwiga.
Dès le premier contact, nous savons. A lire ce qu’a écrit Zofia sur sa famille et elle, comme présentation sur le réseau Servas, nous sommes enthousiastes. Lorsque nous lui écrivons depuis Gdańsk pour savoir s’ils pourraient nous recevoir, elle ne met pas cinq minutes à nous répondre, nous souhaitant la bienvenue chez eux quand nous le souhaitons. Elle est comme ça, Zofia. Directe, généreuse, disponible, spontanée, une organisatrice dans l’âme.

Lorsque nous arrivons enfin chez eux, une dizaine de jours plus tard, nous avons déjà échangé plusieurs fois sur les lieux à visiter, les contacts pour effectuer les réparations nécessaires à Transplaneur, sur le vaccin qu’ils ont reçu en janvier et même sur le plâtre que leur fillette de quatre ans, Jadwiga, vient tout juste de se faire retirer.
La famille habite un quartier excentré de Warszawa. Leur maison de style assez classique, grande et confortable, est située au milieu d’une impasse de terre. Autour de la quarantaine, le couple a beaucoup voyagé, jusqu’à l’arrivée du coronavirus qui les a stoppés, en même temps que le reste du monde.

Dès notre arrivée, Zofia semble tout savoir sur les spécificités d’un voyage en camping car. « Besoin d’électricité ? D’eau ? De vidange des toilettes, des eaux grises, etc ? Des lessives à prévoir ? Vous n’avez pas mangé j’espère ? » En cinq minutes, tout est bordé et nous nous attablons. La cadence ici est rapide, car il y a tellement de choses à dire, à faire, qu’on ne peut pas ralentir, il faut vivre tout de suite. Une sorte de tourbillon vivifiant, grisant à observer depuis notre rythme qui s’est assoupli à mesure que notre fatigue s’accumulait ces dernières semaines.
Nous rencontrons d’abord Zofia et Jadwiga, petite fille très autonome, puis c’est au tour de Jan d’arriver de l’école. Du haut de ses huit ans, c’est un passionné de sport et un grand supporter du PSG. Les deux enfants sont bilingues. De fait, Zofia leur parle presque uniquement en anglais, qu’elle maîtrise parfaitement. Elle parle aussi français, ce qui aide Alma et Enki à entrer en contact avec elle.
Les cinq ou dix premières minutes passées, la glace est brisée entre les quatre enfants. Dès que c’est possible, Alma et Enki passent leur temps à jouer avec Jan, à colin maillard, à cache cache, au ping pong, au foot… et aux duplos, rejoignant Jadwiga qui s’émerveille sur les constructions élaborées d’Alma. Très vite, Enki s’ennuie et se languit lorsque Jan est en classe ou à l’un de ses entraînements. En Pologne, l’école primaire a lieu de 08h à la mi-journée, tous les jours de la semaine, pour laisser place ensuite à des activités péri ou extra-scolaires selon les possibilités des familles. Zofia nous explique qu’il y a beaucoup d’écoles privées en Pologne. Eux ont fait le choix de l’école publique de quartier pour leurs enfants, de niveau scolaire moins élevé mais d’une mixité sociale et culturelle incomparable.

Janek arrive en fin de journée, dans un costume cravate qu’il troque en trois minutes contre un jogging sweat-shirt. La discussion s’engage autour du repas et, entre les allées et venues des enfants, nous passons d’un sujet à l’autre, tout au plaisir de l’échange. Bien après l’heure de coucher d’Alma et Enki, nous retrouvons Transplaneur, garé devant leur maison, pour y dormir.
Zofia nous avait prévenue qu’elle évitait d’aborder les sujets sensibles. En fait, très rapidement, Janek nous pose des questions sur nos opinions politiques, et durant tout notre séjour nous parlons politique, société, éducation… La finesse de leurs analyses et leur ouverture d’esprit nous font du bien. Les connaissances qu’ils ont de leur pays nous permettent de mieux le saisir, comme lorsqu’après avoir évoqué le réel problème de l’alcoolisme en Pologne, Zofia nous explique que pendant très longtemps les ouvriers et paysans étaient en partie payés « en nature », en alcool évidemment, ce qui lui a ouvert la porte de nombreux foyers. Tous les deux nous parlent aussi de leurs voyages, nous montrent des photos. C’est drôle de découvrir que cette rencontre, qui ne doit rien au hasard, peut être aussi simple, tout se passe comme si nous nous connaissions depuis longtemps. Dans le réseau Servas, la plupart des séjours chez des hôtes durent trois jours. Nous restons presque une semaine de plus, que nous ne voyons pas passer.

Zofia nous fait découvrir des plats typiques de Pologne, zurek, borsch. Pour les remercier de leur hospitalité, par envie aussi de partager avec eux des goûts familiers, nous leur préparons plusieurs repas. Le deuxième soir, grâce au colis envoyé par Michèle et Valère, ils se régalent, et nous avec, des figatelli grillés et du fromage de brebis corse, que nous mangeons avec la courge vinaigrée que Zofia prépare. Une autre fois, nous cuisinons une daube, un rôti à l’orange, et chaque soir nous nous retrouvons avec le même plaisir.

Les deux premiers jours, nous restons avec eux, en profitons pour faire les lessives, nous reposer un peu et tenter de retrouver un cadre scolaire, un peu chiffonné par les adaptations nécessaires au rythme du voyage. Nous utilisons des livres que Zofia nous a prêtés sur la culture et la géographie polonaise, comme supports de classe. Nous essayons aussi d’organiser les réparations de Transplaneur, ce qui prend un temps imprévu. Elodie appelle tous les jours notre contact pour le garage, qui systématiquement nous demande des précisions, des photos, et finit par nous dire de le rappeler le lendemain pour prendre un rendez-vous qui ne vient jamais. Il s’en faut de peu que nous ne repartions avant d’avoir trouvé un créneau… Au bout d’un moment, Zofia nous explique. Ici, il faut oublier les manières polies qui font qu’on n’insiste pas par peur de gêner. Plus tu persistes, plus tu t’acharnes, et plus tu montres que tu es vraiment intéressé. Nous rappelons, encore et encore. Et obtenons le fameux rendez-vous…

Au troisième jour, nous allons enfin visiter la ville. Nous nous rendons dans le quartier juif de Warszawa, où se trouve le musée Polin, sur l’histoire millénaire du peuple juif en Pologne. Retraçant toutes les époques depuis l’exode, au fil de salles extrêmement belles et bien documentées, le musée nous plonge dans la culture juive et l’évolution des conditions de vie individuelles et collectives dans l’histoire. Chacun avec son audio-guide, nous découvrons les installations, les décrets du Roi de Pologne accordant protection aux personnes juives et autonomie d’organisation sociétale, les échanges avec la haute société polonaise, et plus tard, les pogroms alors que la Pologne est sous domination russe, la guerre de 1939-1945, la persécution…

Nous sortons du musée ébranlés, mais contents d’y avoir appris autant. Après une pause repas sur un coin de banc, nous filons retrouver Zofia, Jadwiga et Jon devant le palais de Justice. Sur le chemin, nous franchissons la démarcation au sol du ghetto de Varsovie… trace d’un passé dramatique et terrifiant…

Avec nos hôtes, nous visitons la vieille ville. Enfin, ce qui en a été reconstruit, comme pour le reste de la cité. Warszawa a été détruite à 90% lors de la deuxième guerre mondiale. Il se raconte que les soldats soviétiques sont arrivés à temps pour la sauver mais qu’ils l’ont laissée être bombardée, pillée, brûlée avant d’y entrer en sauveurs. Guide passionnante, Zofia nous emmène dans des lieux insolites ou incontournables, nous fait part des légendes qui les entourent, comme celle de la sirène de Warszawa, au bras armé. Aujourd’hui symbole de la ville, elle se serait prise dans les filets des pêcheurs de la Wisła qui, la découvrant si belle, décidèrent de la relâcher. Elle aurait alors fait le serment de venir à leur aide chaque fois qu’ils en auraient besoin.

Le lendemain, samedi, nous repartons nous balader ensemble, et cette fois, Janek est de la partie. Nous continuons à visiter, prenant le temps de flâner le long de l’avenue royale, reliant le château du roi à son palais d’été. Traversant la lumineuse bibliothèque universitaire, nous descendons sur les bords sauvages du fleuve, où les enfants se courent après, grimpent sur des animaux aquatiques en béton et sautent sur les mini trampolines. En fin de journée, nous commençons à rechercher activement des vélos pour remplacer ceux qui sont restés à Härnösand. Après en avoir repéré plusieurs sur l’équivalent du bon coin polonais avec Zofia, c’est elle qui passe les coups de fil pour nous. Le premier à décrocher nous informe que des personnes intéressées par ce vélo viennent déjà le voir demain. Ça tombe bien, répond gentiment Zofia, nous souhaiterions peut-être l’acheter ce soir. A la fois bienveillante et directive, elle a cette sorte d’équilibre qui te fait sentir que tu peux y arriver même si tu ne le pensais pas, même si tu n’étais pas vraiment motivé. Au soir, nous avons récupéré ledit vélo. Nous passons une partie du dimanche à sillonner les rues désertées, et au soir, nous sommes de nouveau équipés pour faire des balades en deux roues. Chouette !

Petit à petit, nous recommençons à nous questionner sur la suite du voyage. Les restrictions en place dans différents pays ne s’assouplissent pas, durcissent même parfois. En Pologne, une région au Nord-Est du pays est à nouveau confinée depuis quelques jours. Nous essayons de voir quel itinéraire nous pourrions prendre pour continuer notre périple. L’Allemagne, que nous espérons toujours visiter, prolonge les mesures en place. Nous nous résignons progressivement, car y aller dans ces conditions-là est impossible. Nous pourrions y passer pour aller en France et de là, rejoindre l’Italie, mais cela ne nous satisfait pas vraiment, et les rumeurs sur un reconfinement circulant déjà pas mal, nous craignons de rester coincés en France. Sachant que la Hongrie et l’Autriche sont fermées depuis des mois – nous ne prenons même pas la peine de vérifier – nous envisageons les autres possibilités : Suisse ? Ukraine ? Aucun des scénarios ne nous plaît. Il reste encore du temps mais il nous faudra choisir d’ici quelques jours.

En attendant, la vie continue avec douceur à Warszawa. Balade en familles un soir, dans les jardins du palais Wilanów. Nous parcourons, presque seuls et dans un froid encore très hivernal, de jolies installations lumineuses d’où sonne parfois un air classique. Jadwiga, Jan, Alma et Enki se régalent sur un carousel illuminé que l’on fait pivoter comme un tourniquet.

A quatre cette fois, retour au matin dans les rues du centre historique, à l’intérieur de l’enceinte médiévale de la ville. Là, nous visitons le musée de Marie Sklodowska-Curie, dans la maison même où elle a vécu enfant. Les lieux sont presque confidentiels mais les objets, ustensiles, robe, ouvrages lui ayant appartenus quotidien ouvrent une brèche sur ce qu’a été sa vie au quotidien. En sortant, nous marchons tranquillement jusqu’au Copernicus Science Center, que nous ont vanté Zofia et Jan. Durant plus de deux heures, chacun expérimente, découvre, s’amuse, depuis une expo sur tous types de vélos jusqu’à des poussières métalliques dansant sur une musique dont les vibrations activent des aimants. Bien que ce soit le troisième musée des sciences en quelques mois, la variété et la qualité de ce qui est proposé ravit Alma et Enki. En fin de journée, une connaissance de Zofia et Janek vient après son travail, regarder les feux stop qui ne s’allument plus. Finalement, Sylvain et lui vont commander un contacteur chez un vendeur automobile au bout de la rue, et il revient le lendemain soir pour le placer. Il est tout gêné d’accepter les friandises que nous lui tendons pour le remercier.

Enfin, le jour des réparations de Transplaneur arrive. Nous investissons le salon des amis pour y déposer tout ce qui est d’ordinaire sur notre lit dans la capucine : matelas, couette, oreillers, piano, guitare, coussins divers, sacs à dos… Les enfants restent avec Zofia tandis qu’Elodie et Sylvain vont au point de rencontre. Au bout d’une petite demi-heure, la personne que nous avons eue si souvent au téléphone – que, faute de connaître son nom, nous avons appelé « the guy » – est enfin disponible. Petit, bedonnant, les lunettes de soleil vissées sur les yeux, il enchaîne cigarette sur cigarette, toujours prêt à dégainer son téléphone qui n’arrête pas de sonner. Un personnage. Nous le suivons jusqu’au garage, dans le village voisin. Sa voiture est immatriculée WINGMAN. On se pince pour y croire. C’est presque trop beau.

Coincés dans des locaux étroits, plusieurs camping-cars jouxtent bennes et tas de déchets sur un terrain tout juste sec. Quelques instants après notre arrivée, trois ouvriers viennent voir le travail à réaliser. Notre principale préoccupation est le toit, car depuis plusieurs mois de l’eau s’infiltre, au point où Elodie dort au-dessus d’une couche de glace ou d’une flaque d’eau, selon la météo. Après quelques vérifications, ils nous disent que la coque est nickel mais que l’un des joints principaux est en très mauvais état, usure ordinaire accentuée par les températures glaciales du grand Nord. L’un des ouvriers saute sur le toit depuis son escabeau, et commence à enlever l’ancien joint pour tirer du silicone afin de le refaire, pendant que l’un de ses collègues s’attelle à remplacer le tuyau d’arrivée du réservoir d’eau optionnel, inutilisable depuis qu’il s’est percé au Danemark. Un troisième viendra un peu plus tard, changer un clignotant arrière cassé à Bergen en Norvège. Pendant ce temps, à l’intérieur de Transplaneur, the guy nous dit que l’eau a dû faire moisir une grande partie de la mousse qui isole la capucine. Il dresse un portrait catastrophique des conséquences sur la santé de ceux qui respirent l’air de camping-cars ayant ce problème, disant que les gens sous-estiment toujours cet aspect. Sylvain commence à décoller un peu de tissu d’ameublement pour voir l’état de la mousse en-dessous, et par endroits elle est en effet piquée de petites auréoles. Nous sommes atterrés. Le garage n’a pas la possibilité de s’occuper longtemps de Transplaneur pour l’assainir, car entre la vérification de l’ensemble des entrées d’eau potentielles, le démontage de tous les meubles, le retrait et le changement des parties endommagées, il y en aurait pour plusieurs semaines. Et le travail ne pourrait commencer que dans un mois. Après un temps, the guy part, en nous suppliant de laisser les ouvriers travailler tranquillement, sans quoi ils deviendraient nerveux. Soit. Nous réfléchissons aux différentes options qui s’offrent à nous, et assez rapidement, Sylvain propose d’arracher l’ensemble de la mousse de la capucine, où se situe l’humidité. Plus de mousse, plus de moisissure. Plus de moisissure, plus de problème.

Alors c’est parti. Il décolle peu à peu les différents blocs de mousse qui isolent la cellule de l’extérieur, détache le tissu qu’il met de coté, tandis qu’Elodie jette le reste dans les bennes. En fait, seuls les endroits de la mousse qui sont en contact avec l’eau ont commencé à moisir, le reste est sec et semble sain. Par précaution, tout est enlevé, et lorsque the guy revient, il reste un instant bouche bée. La coque en fibre de verre est à nu. Il nous conseille d’enlever le maximum de colle des parois pour ne pas trop nous intoxiquer, et de ne plus y toucher avant de rentrer en France. Comme ça, nous pourrons de toute façon vérifier si l’entrée d’eau était bien due uniquement au joint défaillant désormais refait.

Nous passons le reste de l’après-midi à finir de préparer notre nouveau lit, avec force papiers de verre, chiffons et aspirateur. Nous empruntons même un radiateur soufflant à Zofia et Janek pour sécher le plus possible cet espace, puis le laissons à l’air libre pendant que nous dormons chez nos super hôtes.

Le lendemain, c’est le dernier jour chez Zofia et Janek. Pendant la journée, nous allons visiter le palais de la culture et des sciences, imposant monument érigé par les soviétiques en cadeau au peuple polonais. Nous montons au 32ième étage pour voir le panorama de la ville. C’est impressionnant comme les quartiers peuvent être différents les uns des autres, entre gratte-ciels hyper modernes et maisons basses. Lorsque nous en redescendons, message de Zofia. Warszawa sera confinée le 15 mars. Nous sommes le 11. Il est temps de partir. Sur le chemin du retour, nous nous arrêtons dans un magasin de céramique peinte de style Bolesławiec, si traditionnelle de Pologne. La confection des objets et leur décoration a lieu dans l’arrière-boutique, et ils proposent même des ateliers d’initiation. Cela fait très envie à Alma, Enki veut bien le faire et nous nous inscrivons aussi, surtout pour leur faire plaisir et partager ce moment. Après que chacun a choisi l’objet à peindre, la céramiste nous explique sommairement la technique. Les motifs ressortent de la superposition de petits tampons d’éponge aux formes simples, appliqués avec différentes teintes naturelles, le bleu étant emblématique de Bolesławiec. Après nous être entraînés sur des bols ou des tasses ébréchés, nous nous mettons à notre céramique. La magie opère tout de suite. Nous ne voyons pas passer l’heure et demi qui suit, complètement pris par le jeu des couleurs, des assemblages. A la fin, tandis que nous avons gagné en humilité, les céramiques sont collectées pour être vernies et cuites dans un four à mille deux cents degrés. Le processus prenant du temps, nous les faisons envoyer directement en France. En repassant dans la boutique, nous apprécions d’autant plus la finesse et l’élaboration des motifs.

Dehors, il fait presque nuit maintenant, et il neige à gros flocons. Nous nous hâtons de retourner chez Zofia et Janek pour une dernière soirée ensemble. Après le repas, nous étalons la carte de Pologne fraîchement achetée pour qu’ils nous indiquent les lieux à visiter. Il y en a trop, bien-sûr, ces deux-là connaissent vraiment bien leur pays, et souhaitent qu’on en découvre les beautés.
C’est l’heure de se dire au revoir. Les enfants sont émus, les adultes aussi. Nous avons passé des moments formidables avec cette famille, et la rencontre a été vraiment belle. Enki est particulièrement triste de quitter Jan. Tout le monde a le cœur serré, alors nous les serrons contre nos cœurs pour partager cela encore.
Nous dormons devant leur maison une dernière fois. Jusqu’au bout, Zofia prend soin de répondre aux besoins que nous pourrions avoir, eau, vidanges, etc. Nous promettons de nous revoir, de rester en contact, mélange d’espoir et déjà, de nostalgie. Mais nous sommes aussi heureux de reprendre la route après ce long arrêt.

Nous repassons par le centre de Warszawa pour une dernière promenade. Sur la route du musée Chopin, nous croisons un écureuil près d’un immeuble d’habitation, au milieu de la ville. La fin de la balade est un peu précipitée par la grêle qui tombe, et nous entrons précipitamment dans le musée. Il est conçu comme un lieu où la musique est très présente mais peu de supports fonctionnent, du fait du covid, et hormis quelques objets symboliques, des partitions raturées, son dernier piano, et des pans de son histoire, nous ne trouvons pas ce que nous étions venus chercher. Peut-être y sommes-nous allés trop tard, et déjà plus vraiment disponibles.

Zofia et Janek ont rempli la carte de Pologne d’indications diverses qui nous font toutes envie. Mais nous sommes déjà dans ce pays depuis un mois et les confinements locaux se multiplient. Aussi, sans avoir totalement défini la suite du programme, nous cherchons à rejoindre le Sud où se trouvent notamment Kraków, et aussi, Auschwitz. En chemin, nous nous arrêtons à Lódź, ville industrielle du sud-ouest relativement préservée durant la seconde guerre mondiale car du côté qu’occupaient les allemands. Un grand domaine industriel du dix-neuvième siècle trône au milieu de la ville. Anciennes fabriques textiles, les bâtiments de briques rouges ont vu leur activité baisser puis cesser, avant d’être transformés en un gigantesque complexe commercial, la Manufaktura, qui met en valeur son architecture élégante.

Nous traversons l’esplanade pour nous rendre juste derrière, au palais Poznański. Ce bâtiment néo-baroque appartenait à une famille devenue riche grâce au commerce du coton. La visite commence par une impressionnante salle de bal. Nous passons d’une pièce à l’autre, découvrant leurs proportions hors normes, leurs nombreux pianos, leurs meubles délicats, leurs lourdes tentures. Les chambres, que desservent un couloir qui nous fait penser à un train, sont plus personnelles et l’on y trouve les objets encore chargés de vie de celles, de ceux qui ont habité là, comme s’ils pouvaient à tout moment se rasseoir à ce bureau, utiliser cette cruche avant d’enfiler ce déshabillé. Tant d’intimité soudaine contraste avec le faste affiché des lieux, les rendent plus proches de nous. Au sous-sol, le musée retrace la vie des ouvriers à la manufacture toute proche, et nous y découvrons une collection de machines à coudre, ainsi que des textiles qui y étaient fabriqués, des reconstitutions de lieux de vie du début du vingtième siècle, intérieurs riches ou modestes, coins de rues. Des photos d’ouvriers portant des monticules de briques avant de les empiler pour construire les usines qui feront la fortune d’autres qu’eux.

En retournant sur la place, Alma et Enki jouent avec les fontaines intermittentes et, une fois trempés, se réchauffent à une gaufre achetée chez E.Wedel, plus vieux chocolatier de Pologne. Il a malheureusement été racheté par Cadbury depuis mais les enfants se régalent tout de même.

En fin de journée, nous reprenons la route pour arriver à temps à Wieliczka. Bourgade au sud de Kraków, elle est construite au-dessus des deux cent cinquante kilomètres de galeries d’une mine de sel exploitée sans interruption du treizième siècle jusqu’en 1996. Patrimoine de l’UNESCO, la mine est aujourd’hui visitée par plusieurs millions de personnes chaque année (sauf peut-être celle-ci). Nous venons donc grossir les rangs, ayant réservé nos places pour dimanche après-midi sur un tour avec une guide francophone.

Nous laissons Alma et Enki deviner là où nous allons. Et à l’heure dite, nous commençons par descendre près de six cents marches pour arriver dans une galerie creusée dans le sel, consolidée par des rondins de bois dont la surface est parfois constellée de « choux fleurs », petites concrétions salées. Nous marchons d’un pas rapide à travers cette mine géante construite sur neuf niveaux. Nous parcourons galeries et salles, dont une cathédrale gigantesque où tout est sculpté à même le sel, de l’iconographie jusqu’aux lustres. Au bout d’un certain temps, une famille s’approche de nous et nous demande si cela fait longtemps que nous sommes en Pologne. Nous leur répondons et ajoutons que nous voyageons en camping car. Nous aussi ! Répondent-ils. Nous aussi ! Ajoute un couple derrière nous.

Après des mois où nous avions seulement croisés une famille et un couple voyageant en camping car, voilà que nous en rencontrons autant en une minute ! Evidemment, nous passons la fin de la visite à alterner explications de la guide et échange d’expériences. En fait, les uns et les autres ont commencé leur périple depuis peu.

Une fois le tour terminé, nous continuons à discuter dehors et échangeons les contacts afin de se donner des bons plans éventuels. Chacun repart de son côté. Pour nous, c’est Kraków. Nous y arrivons en milieu d’après-midi, et trouvons une place au bas du château, près des méandres de la Wisła. Avant la nuit, nous sortons nous balader dans la vieille ville. Les pavés gris des rues contrastent avec les couleurs pastels des hautes façades qui les surplombent. C’est très beau. Comme nous, une foule de passants se promène, flânant d’une boutique à l’autre, sortant de l’église, retournant chez soi. Au centre du quartier se trouve l’immense Rynek Główny, la place du marché, et au centre de cette place, la majestueuse halle aux draps, qui ne sert plus aujourd’hui qu’à abriter de petites échoppes vendant des objets aux touristes.

Le soir tombe peu à peu et nous nous dirigeons vers Transplaneur. Chemin faisant, nous nous arrêtons pour un goûter tardif et tombons nez à nez avec le couple de français rencontré à la mine de sel ! Décidément. Ils viennent de prendre un vin chaud qu’ils s’apprêtent à boire sur la seule terrasse chauffée qu’ils aient trouvée. Nous nous joignons à eux et discutons une heure et demi, comme on boirait un coup avec des copains. Et on sent tout de suite que c’est ce qui est en train de se passer. Ils s’appellent Aurélia et Nicolas, commencent un voyage d’un an avec un camion qu’ils ont fait aménager rien que pour eux. On parle boulot, on parle voyages, on parle Covid, bien-sûr. Ils veulent aussi descendre en Europe de l’Est d’ici quelques jours, pensent passer par l’Ukraine. En rigolant, nous leur disons qu’ils vont nous ouvrir la voie. Pendant ce temps, Alma et Enki se font leurs jeux à une distanciation sociale qui leur permet de tenir leurs parents hors d’écoute. Jusqu’à ce qu’ils viennent se plaindre. Les parents, ils nous reprochent de parler tout le temps, mais quand ils rencontrent d’autres adultes, c’est eux qui ne savent pas s’arrêter ! Facile. Mais pas faux. Nous rentrons pour de bon cette fois, et invitons nos nouveaux copains à venir manger à Transplaneur un de ces soirs.

Nous visitons le château de Wawel le matin du lendemain. Sur une petite colline, les bâtiments qui le composent aujourd’hui témoignent de son histoire mouvementée. Les premières traces de construction sur ces lieux remontent au Paléolithique, mais le château lui-même a été bâti au onzième siècle et fut la première résidence des rois de Pologne avant que la capitale du pays ne devienne Warszawa. Le château a ensuite été pillé par les prusses, transformé en poste de défense par les autrichiens, et investi durant la seconde guerre mondiale par le gouverneur de la Pologne occupée. Depuis, il est devenu un musée où l’on peut voir les vestiges de ces différentes périodes.

Zofia nous avait prêté le conte populaire du dragon de Wawel en anglais que nous avions étudié en classe, aussi les enfants étaient ravis de trouver dans la réalité, un dragon crachant des flammes au bas des remparts, au terme de notre balade !

La soirée avec Aurélia et Nicolas est très chouette. Nous nous retrouvons sur plein de choses et les enfants prennent autant de plaisir que nous à les rencontrer. Après la soirée à Transplaneur, c’est à notre tour de visiter Yakari le mardi matin. Ah, les petits noms des camping-cars… Nos plans pour les jours à venir sont similaires, il est donc possible qu’on se recroise un de ces quatre. Et en effet, le soir même ils nous appellent pour de « bonnes nouvelles ». Dans la journée, ils ont rencontré des étudiants roumains qui viennent de traverser la Hongrie et la Slovaquie pour se rendre depuis leur pays jusqu’en Pologne. C’est donc possible ! Comme nous, Aurélia et Nicolas avaient fait une croix sur cet itinéraire sensé être impraticable, et voilà que cette voie se réouvre. Tout le monde est sur un petit nuage. Pour nous, le changement est de taille. Alors que nous hésitions encore sur la direction à prendre, comme un compromis qui a des airs de résignation, cette option fait renaître la possibilité d’aller en Roumanie ! Moyennant tests et quarantaine bien-sûr. De leur côté, c’est décidé, ils tentent la traversée dès vendredi. Quant à nous, moins pressés, nous nous donnons le temps de la découverte du sud de la Pologne.

Nous avons très envie d’essayer les nouveaux vélos, et Kraków semble s’y prêter assez bien. Quand viennent les premiers rayons du soleil après un jour de pluie, nous enfourchons les bécanes et partons au hasard de ses rues. A midi, nous sommes au pied de la basilique Mariacka, sur le Rynek Główny. Le son d’une trompette résonne alors depuis la plus haute tour de l’édifice religieux. Tour à tour, dans les quatre directions, l’air est entonné et s’arrête à chaque fois de façon abrupte, à la même note. Kraków utilisait ce lieu comme tour de gué et la musique, comme alerte en cas d’attaque. La légende dit qu’au douzième siècle, un soldat avait joué cet air pour avertir la ville d’une invasion imminente des Tatars. La mélodie aurait alors été brusquement interrompue par une flèche ennemie transperçant la gorge du musicien, l’empêchant de terminer son air mais pas de prévenir Kraków. Chaque jour à cette heure-ci, la ville lui rend donc hommage pour l’avoir sauvée, en rejouant cette mélodie.

Après un repas en extérieur, nous visitons le musée de la prestigieuse université Jagellon, où Copernic a étudié. Certains des instruments qu’il a utilisés y sont exposés. C’est émouvant de se trouver devant ces objets qui ont contribué à changer la face du monde ! Nous entendant parler français, l’un des gardiens du musée nous rejoint et commence à nous expliquer plein de choses. Nous venons de rencontrer Justyn, qui raconte avec passion comment Copernic a découvert que la terre tournait autour du soleil, l’a écrit très tôt dans sa vie mais ne l’a divulgué que peu de temps avant sa mort, ayant compris la portée subversive et révolutionnaire de sa théorie. Il nous suit ensuite dans les autres pièces du musée, jusqu’à la salle où sont soutenues encore aujourd’hui des thèses universitaires devant un jury expert. Le linteau au-dessus de la porte parle de la puissance de la connaissance pour lutter contre la brutalité de l’ignorance. Nous sommes toujours sous le charme quand nous quittons ces lieux et leur meilleur ambassadeur.

Juste avant l’entrée au musée, nous avons reçu un message de Zofia. Allez à Auschwitz le plus vite possible, par ex demain ou aujourd’hui. Un nouveau confinement national est planifié. Même s’il n’est pas question de fermeture de frontières, nous savons ce que cela signifie. Tout s’accélère de nouveau. Zofia nous précise plus tard que le confinement aura lieu le vingt mars, il nous reste trois petits jours. Nous repassons par le camping car pour prendre de quoi faire les lessives nécessaires et, après la halte laverie qui s’est un peu prolongée, filons jusqu’au quartier juif, véritable ville dans la ville pendant des siècles. Tout est fermé à Kazimierz aujourd’hui, mais nous sommes contents de déambuler dans ses rues. Çà et là ressurgit l’histoire qu’ont vécu ses habitants durant la deuxième guerre mondiale, par un dessin, une inscription devant une porte. A nouveau la visite devient grave.

Le soir même, nous prenons la route d’Oşvięcim, Auschwitz en allemand, et nous y arrivons en milieu de journée le lendemain. Sur le chemin, nous discutons encore avec les enfants de cet endroit, tentons de leur offrir de quoi éclairer leur choix de s’y rendre ou pas. Ils finissent par décider de venir tous les deux.

Longer le mur d’enceinte et les baraquements qui se trouvent derrière est suffocant. Dehors, le vent souffle, des flocons de neige s’écrasent sur le sol. Nos pas sont lourds, il nous semble que le parking que nous traversons est sans fin. Lorsque nous arrivons au guichet, nous apprenons que les visites sont organisées dans le temps. Sans guide, il nous faut revenir à quinze heures. De quoi nous éloigner quelques heures, penser à autre chose. De quoi reprendre notre souffle, sécher nos premières larmes.

Nous y retournons à l’heure dite. C’est à peine plus facile la deuxième fois, mais le soleil est là, il nous accompagne, il nous aide. Nous avançons vers le portail de fer forgé, passons dessous. C’est terrifiant. Chacun lutte à sa façon devant l’horreur de ce qui a été vécu ici. Contraste glaçant, tout est silencieux. Seuls les lieux parlent, hurlent l’effroi. Les monceaux d’attelles et de corsets, de chaussures, de valises et paniers. De chevelures… Emplissant des pièces entières. Il ne reste que ce que les nazis n’ont pas pu brûler. Dans d’autres baraques, des couloirs entiers sont emplis de portraits de ces pauvres, pauvres gens, vêtus des uniformes rayés… Le mur où étaient exécutés certains détenus. La potence collective, au cœur du camp. Pour montrer l’exemple. Les témoignages. Tout cela semble ne pas finir. Nous nous sentons vides nous aussi. Tout est vidé de sens, de vie. Les fils de fer barbelés successifs entourent ces lieux, et plus loin, les premiers fours. Comment a-t-on pu en arriver là. Pourquoi. Pourquoi.

Fin de journée. Tristesse infinie. Révolte. Incompréhension. C’était important d’être là et de traverser ces lieux avec les enfants. Nous partons pour un ailleurs, vite. Au soir, nous arrivons au bas des Sudètes. Passer à autre chose.

Il neige à Kudowa-Drój, mais le sol est plus chaud et au matin, il n’en reste que des traces sur les pelouses. Tout près de ce gros village situé dans une vallée, il y a la Kaplika Czaszek. Drôle de chapelle. Une vieille nonne nous ouvre la porte de cette minuscule bâtisse du dix-huitième siècle, nous dit quelques mots en polonais. Les murs, plafond, sol et soubassements sont entièrement faits d’os et de crânes humains. Durant des dizaines d’années, un prêtre ne pouvant se résoudre à voir la population de cette région décimée par les épidémies, a collecté sans relâche les corps des défunts laissés à l’abandon, pour leur donner une demeure, un lieu où reposer. La démarche de cet homme qui a dédié sa vie à prendre symboliquement soin des morts nous touche.

De virage en virage, la route nous emmène plus haut. Les arbres hauts assombrissent le jour, et il se remet à neiger. Nous nous arrêtons au bas d’une piste de randonnée, dans le parc national du Stołowe. Quinze minutes plus tard, nous partons à l’assaut des monts Tabulaires.

Ce n’est que la mi-journée. Pourtant, le ciel derrière nous est noir, lourd de menaces. La blancheur du paysage, sous la neige qui tombe à gros flocons, prend une tonalité douce et mélancolique. Nous passons à côté d’un arbre mort, d’immenses rochers posés sur une immense clairière bordée de feuillus dénudés par l’hiver. Le côté dramatique des lieux souligne leur beauté. Le sentier tracé dans la neige serpente jusqu’à la forêt, puis monte à travers les résineux. Nous suivons ses courbes et nous enfonçons sous les hautes cimes qui semblent se pencher au-dessus de nos têtes, pour nous offrir un abri naturel. La pente se fait abrupte et le chemin étroit, puis plus souple et large. Dans le même temps, le ciel se dégage lentement. Au bout d’une heure et demi de marche se trouve un petit replat, où un toit de bois permet de se réfugier en cas de mauvais temps. Juste derrière, des blocs de pierre de plusieurs mètres de haut se blottissent l’un contre l’autre. Lisses et courbes, ils laissent juste l’espace de se faufiler. Nous nous y glissons, et s’ouvre alors devant nous une forêt de ces pierres énormes, dont les passages étroits constituent un véritable labyrinthe. Quoi de mieux pour jouer à cache-cache ! Nous faisons une partie mémorable, presque à se perdre réellement. Pendant un instant, nous avons tous le même âge. Tous ravis. Ensuite, nous parcourons joyeusement le dédale sinueux entre les rochers érodés, passant parfois tout juste de côté, devant nous courber ou même glissant sur les toboggans naturels pour avancer. Le soleil vient éclater sur le gris des sommets de pierres, sur le vert de la végétation qui s’y est arrimée. C’est beau, c’est doux. Nous redescendons la montagne sous le ciel bleu, les couleurs sont apparues dans la vallée.

Sitôt revenus à Transplaneur, nous partons pour Wrocław par les routes de montagne. À partir d’une certaine altitude, la neige réapparaît sur la chaussée. Sylvain retrouve des sensations bien connues, les pneus neige remplissent leur office, tout le monde est habitué. Nous montons encore. Une voiture est sur le côté. Nous nous arrêtons pour voir si tout va bien, mais ils n’ont pas besoin d’aide à leurs dires. Ils semblent juste patiner. Nous repartons, et voilà que juste après, une autre voiture patine et n’avance plus. Elle n’est pas très serrée à droite et Sylvain hésite à la doubler car la route est étroite, et si l’un d’entre nous glisse, nous risquons l’accident. Il décélère pour se ranger à droite, mais étant donné notre faible vitesse, nous commençons nous aussi à déraper. Super. La dame de la voiture de devant, sortie de son véhicule, fait de grands signes mais nous ne pouvons pas vraiment leur venir en aide. Nous patinons de concert, et commençons nous aussi à nous mettre peu à peu en travers. Sylvain change de tactique, laisse un peu Transplaneur glisser en arrière pour nous éloigner de la voiture, puis ré-accélère dès que les pneus retrouvent de l’adhérence. Il se met sur la petite voie de gauche et nous dépassons finalement la voiture sans encombre. Au virage suivant, nous nous apercevons que d’autres véhicules sont dans le même cas et en redescendant de l’autre côté, même scénario ! Les warnings éclairent toute la portion de route encore enneigée. Improbable. Pourtant les plaques sont polonaises, ils ne sont sans doute pas tous des touristes. Aucun des véhicules n’est équipé pour l’hiver… Ça nous fait drôle de penser que dans un pays comme la Pologne, mi-mars, il puisse y avoir ce genre de scène.

Quelques routes plus loin, nous arrivons à Wroclaw. Dernière étape avant la sortie du territoire. Depuis Kraków, nous avons pris rdv pour y effectuer des tests covid le dimanche. Nous stationnons pour la nuit dans une rue longeant la rivière. De là où nous sommes, la vue sur la cathédrale éclairée est imprenable.

Avant de dormir, nous avons des nouvelles d’Aurélia et Nicolas. Ils ont réussi ! Après avoir cherché un lieu de quarantaine à la frontière roumaine, ils sont en route pour le camping qui les a acceptés. Cela nous conforte dans la décision de prendre ce chemin à notre tour. Ils nous proposent même de venir passer la quarantaine avec eux ! Nous hésitons un peu, ayant pris contact avec la sœur d’une collègue d’Elodie d’origine roumaine, et laissons la nuit nous porter conseil.

Samedi matin, nous marchons dans le centre historique avec ses places grandioses, ses bâtiments aux façades somptueuses, les gnomes de métal à découvrir à leurs pieds. C’est joli mais on sent bien qu’on n’y est plus vraiment. Nous avons la tête déjà en Roumanie. Petit détail, nous sommes le vingt mars. Le confinement a commencé à minuit. Oui mais. Les rues sont bondées, l’accès à certains bâtiments possibles, les restaurants vendent toujours à emporter. On découvrira l’après-midi que les magasins sont tout aussi ouverts que la veille. La comparaison avec un confinement « à la française » est sans appel. On n’aurait pas pensé qu’il y ait de telles différences dans les façons de faire des pays. Et on n’est pas au bout de nos surprises…

Finalement, nous décidons de partir dès le lendemain matin, sans avoir passé les tests. La quatorzaine est de… quatorze jours au lieu de dix avec les tests, mais Sylvain reste optimiste et pense qu’on n’aura peut-être pas besoin de tout ça. Nous nous préparons donc à rejoindre Aurélia et Nicolas pour une nouvelle quatorzaine, en courant les magasins d’alimentation et de bricolage. À dix-sept heures, nous quittons Wrocław. La folle traversée commence.