Reprendre la route, dans l’aventure à nouveau. Cap vers le Nord. Ça a un côté excitant.
Nous l’attendons tous sans vraiment se le dire. Nous sommes en Scandinavie au mois de décembre ! Difficile de ne pas laisser son imagination vagabonder. Et espérer.

Toujours en quête de pièces pour fixer les feux arrières, nous faisons une halte au parc national de Skuleskogen, par l’entrée sud cette fois, pour y passer la nuit. Le lendemain nous marchons sur des sentiers où la neige a complètement fondu après 2 jours de pluie. Nous découvrons un paysage façonné à l’ère du crétacé. Des champs de pierres polies par la mer qui se trouvait là il y a plusieurs milliers d’années…
Nous arrivons à une crevasse d’une vingtaine de mètres. Une faille. Qui s’est créée lorsque les montagnes se sont élevées et l’eau retirée. Lentement. Mais la mousse et les lichens omniprésents sur chaque tronc, sur chaque pierre sont une empreinte éternelle de ce passé aquatique.

Nous ne revenons pas sur nos pas cette fois-ci. Pas entièrement… Nous nous fions aux marquages des sentiers pour emprunter une autre partie du parc national qui nous mènera sur un plateau granitique où nous dominons le paysage côtier. Les couleurs, le rose et vert des pierres, le gris du ciel se reflètent sur les flaques glacées. Le vent, balayant avec force ce paysage minéral, complète cette sensation de bout du monde.

Nous continuons de remonter la côte de la Baltique qui nous accompagne depuis notre arrivée en Suède. À son point le plus haut, à Töre, nous passons la nuit près d’un port de pêche. Il fait plus froid, les lacs sont gelés ainsi que des pans entiers de mer. Les enfants se régalent d’essayer de la briser. Mais pas encore de neige.

Le lendemain nous devons atteindre la frontière finlandaise à Haparanda. La neige est enfin là. Elle ne va plus nous quitter.

L’idée, qui a germé le jour précédent, est de passer par la Finlande pour arriver en Norvège. Cela pourrait nous éviter dix jours de quarantaine et un test Covid avec 72h pour passer la frontière, que la Norvège exige lorsqu’on arrive d’un pays en zone rouge. Mais la Finlande a fermé ses portes à la fin novembre. Après avoir fait les pleins de nourriture et le gaz pour traverser le pays en autonomie, nous arrivons à un véritable check-point. Chaque véhicule est arrêté, les identités contrôlées. Les 3 douaniers ont l’amabilité de leurs homologues russes. Pour nous, ce sera le premier arrêt forcé depuis le début du voyage.
La pilule est amère et la sensation d’être indésirable bien là. Sonnés, nous déjeunons en réfléchissant à la suite. Tenter un passage plus haut ? Renoncer et repartir sur Piteå pour faire les tests ? Rester en Laponie suédoise pour Noël et voir comment le contexte évolue en janvier ?

Finalement, nous reprenons la route pour tenter notre chance plus haut. À Övertoneå. Le poste frontière est plus petit, le douanier plus compréhensif et surtout plus agréable mais nous ne passerons pas. Et nos identités sont cette fois enregistrées dans leur base de données… Exit la Finlande.

Pour finir la journée, nous recherchons un lieu où passer la nuit. Nous bifurquons pour rejoindre un parking situé à 800 mètres en dehors de l’axe routier principal. La route est enneigée mais Sylvain est confiant. Comme toujours. Nous sortons de la route sans nous en apercevoir et l’arrière droit du camping car s’enlise dans le bas côté où l’épaisseur de neige est plus importante. Après quelques tentatives avec les plaques de désensablement, nous sommes obligés de nous rendre à l’évidence. Il faut appeler l’assistance. Après plusieurs appels, quelques questions sur la raison de notre présence en Suède, etc, nous sommes informés qu’une dépanneuse est en route. Elle mettra 3 heures à arriver.

Au total, 5h à patienter. De travers. En écoutant Harry Potter lu par Elodie. En relançant le moteur pour que le chauffage route réchauffe la cellule. En espérant que le camping car ne chavire pas. Puis en faisant des signes sur le bord de la route au dépanneur qui ne nous trouvait pas. Il ne lui faut pas plus de 10 min pour nous dés-enneiger. Après une longue et lente marche arrière, sous l’oeil bienveillant du dépanneur, nous repartons dormir sur le parking du supermarché à Övertoneå. Il est 23h30 et le goût d’une nuit hors des sentiers battus est derrière nous.

Nous redescendons vers la Baltique. Comme un aimant, elle nous rappelle pour nous rasséréner. Nous dire que les choix qui s’offrent à nous restent des promesses de découvertes réjouissantes. C’est aussi un au revoir. À cette côte qui nous a guidé fidèlement jusqu’à maintenant dans notre périple en Suède. Nous savons que nous allons la quitter pour nous enfoncer dans les terres. Car pour la suite du périple ce sera finalement l’option test et remontée en 72 heures jusqu’à la frontière. Via la Laponie… Et c’est lors de notre retour vers la mer que nous voyons traverser de leur démarche altière des rennes sauvages. Enki les a aperçus en scrutant les paysages enneigés qu’il a tant attendu. Ils prendront leur temps. Nous faisant comprendre qu’ici c’est leur territoire. Et nous laissant la joie de les admirer. Nous y voyons aussi un signe favorable pour la suite…

Les centres de dépistage acceptant de délivrer les certificats de voyage à partir d’un test covid sont rares, inexistant dans la région jouxtant la Norvège au Nord. Après des recherches et des coups de fil, nous réussissons à obtenir un rdv pour le surlendemain à Piteå, ville nous rapprochant le plus de la frontière à 520 km de là. Dans le même temps, nous prenons contact pour louer un Rorbu (maison de pêcheur traditionnelle) dans les îles Lofoten pour les 10 jours de quarantaine, la Norvège ne permettant plus de réaliser cela en camping-car. On se dit qu’il y a pire comme endroit pour une quarantaine. Reste juste à passer cette satanée frontière…
Pour mettre toutes les chances de notre côté, nous écumons les magasins de pièces auto pour trouver des chaînes à neige. Nous trouvons également de quoi fixer définitivement le feu arrière ! Fin de cet épisode.

Les tests négatifs en poche, nous refaisons les pleins et prenons la route pour le Nord. Il est 14h et la nuit commence à tomber.

Nous quittons la côte. Nous entrons dans les terres, des forêts enneigées au milieu desquelles une route passe. Peu de stations services, peu d’aires de repos, peu de circulation.
La route est bien dégagée mais une fine couche de glace nous fait rouler à une allure modérée de 60-70 km/h. Lors d’un arrêt pour faire le plein d’essence, nous nous rendons compte que le chauffage s’est mis en sécurité, l’eau coule sur le flanc de Transplaneur. En fait, le réservoir d’eau principal de 140 litres s’est vidé entièrement pendant le trajet… Nous avons pris l’habitude de le couper quand nous roulons pour économiser le gaz, le moteur prenant le relai pour chauffer efficacement la cellule. Mais pas les soutes… Sauf que les
températures sont bien en dessous de zéro. L’eau peut donc geler… Nous changeons de réservoir d’eau, relançons le chauffage. Nous contrôlons tout ça lors de notre arrêt pour la nuit, tout repart sans autre souci. Il faudra juste refaire le plein d’eau…

Nous franchissons le cercle polaire aux alentours de 17h. Même si c’est symbolique, c’est un moment fort. À peine croyable en fait. Une part de rêve qui se vit. Et se partage à grand coup de « Hiiihaaa ! ».

Les 72h laissent finalement assez de temps pour que nous puissions faire un arrêt à Kiruna, ville la plus septentrionale de Suède avec une mine de fer parmi les plus grandes au monde. Nous visitons son église entièrement construite en bois. C’est le seul monument reconstruit à l’identique après qu’il a fallu déplacer la ville, les galeries minières la menaçant d’effondrement… Autour de nous, la neige est partout et les enfants s’en donnent à cœur joie. Un petit goût de vacances avant l’heure.
Nous repartons le lendemain, tôt, afin de rouler de jour et d’arriver à la frontière avec un peu d’avance…

Le soleil nous accompagne ce jour-là. Des français que nous croiserons à la frontière nous dirons que c’est la seule journée de décembre avec un temps clair. Idéal pour observer des aurores boréales. Particulièrement à Abisko qui a un micro-climat grâce à son lac. Nous avons le temps de profiter des paysages que nous traversons. C’est magnifique. Les montagnes se découpant sous un soleil rasant et les lacs omniprésents offrent des panoramas somptueux. Nous retrouvons les bienfaits que procure la lumière du soleil que nous ne voyons plus depuis plusieurs jours à cause du temps.
Maintenant que nous sommes dans le cercle polaire, c’est parce qu’il ne se lève plus…

Les températures s’en ressentent et nous frôlons les – 10° depuis 2 jours. Lors d’un arrêt, nous essayons de récupérer quelque chose dans un coffre mais impossible d’ouvrir. Les serrures sont gelées. Le problème c’est qu’il faut l’ouvrir pour faire le plein de gasole. Et vu la consommation de Transplaneur, il est prévu de remplir le réservoir à Abisko, dernière possibilité avant la frontière car nous ne savons pas encore si nous aurons le droit de nous arrêter faire le plein en Norvège…
Sylvain tente le coup de l’urine sur les serrures un peu avant d’arriver. Ça semble fonctionner, le coffre s’ouvre ne nouveau ! Nous sommes rassurés. Jusqu’au moment de faire le plein, dix minutes après…
Les serrures ont de nouveau gelé. La clef force… On essaie l’eau chaude sans résultat. Une des deux clefs de cette soute finit par casser…

Nous sommes dépités. Mais reprenons la route. Avec un peu plus de ¾ du plein, ça devrait suffire pour atteindre les Lofoten ! On tentera de réparer ça pendant notre quarantaine.

Arrivés à la frontière, le poste frontière est vide mais nous apprenons que le contrôle se fait 30 km plus bas… Mince… Que faire ? On la franchit ? On attend demain ? On passe la nuit ici ?
Finalement nous entrons en territoire norvégien… mais décidons de faire demi-tour après quelques km et repartons sur Abisko pour y passer la nuit. La possibilité de voir une aurore boréale a pris le dessus !

Il fait nuit quand nous revenons à la station service. La température a encore baissé, et l’éclairage est minimaliste. Elodie essaie de trouver des solutions concernant les serrures dans la supérette du coin. Sans succès. Le bouchon de réservoir étant accessible en passant la main par dessous le coffre, nous arrivons à l’ouvrir. L’espoir revient. Sylvain se contorsionne avec le pistolet et après quelques problèmes de réglage de pression, de larges éclaboussures de gazole et les mains glacées de froid, il réussit à faire presque l’intégralité du plein… Ouf ! Une française (!) que nous croisons nous indique le lieu où il faut aller (près du lac) pour voir les aurores boréales.

Après s’être équipés pour affronter les températures qui frôlent les -20 ° nous partons peu après 18h, pour nous rendre au fameux spot. Nous marchons en ne sachant pas trop où aller. On finit par suivre un chemin qui s’enfonce dans un bois clairsemé au-dessus du lac que nous savons en contrebas. Et là… Nous voyons une énorme trainée en face de nous. Est-ce une aurore boréale ? « Oui c’en est une. Il faut laisser ses yeux s’habituer pour mieux la voir » nous répond-t-on ! De nouveau, nous croisons des français sur le chemin… Décidément !
Nous voilà donc devant notre première aurore boréale. Nous y croyons à peine et peinons un peu à trouver un lieu propice pour bien la voir. La magie du moment n’empêche pas le froid de pénétrer de plus en plus les corps des enfants et nous rentrons nous mettre au chaud.

Nous sommes certains que ce n’est qu’un début. D’autres rendez-vous sont pris avec les vents solaires…